
Boeing, déstabilisation… Les Girondins s'extirpent du piège Dniepropetrovsk le 20 mars 1985
03/20/2025 02:10 AM
Pour la première fois présent en quart de finale de la Coupe d'Europe des clubs champions, Bordeaux doit passer par un périlleux voyage en Union soviétique pour se qualifier. Ce sera tout au bout du suspense le 20 mars 1985.
Le printemps 1985 des Girondins de Bordeaux, champions de France 1984, peut s'annoncer radieux. Engagés pour la première fois de leur histoire en Coupe d'Europe des clubs champions, ils ont passé avec succès à l'automne les deux premiers tours, face l'Athletic Bilbao (3-2, 0-0) puis au Dinamo Bucarest (1-0, 1-1 a.p). Et ce n'est que le modeste club ukrainien du Dnipro Dniepropetrovsk, champion d'URSS à la fin de l'année 1983, qui se dresse face à eux en quart de finale.
Le Dnipro n'a pas l'aura du Dynamo Kiev que Saint-Étienne avait renversé en quart de finale en 1976. En 16e de finale, il a éliminé les Turcs de Trabzon (0-1, 3-0) puis en 8e de finale, les Bulgares du Levski-Spartak Sofia (1-3, 2-0). Rien d'exceptionnel, si ce n'est que les deux fois, les Ukrainiens ont renversé leurs adversaires au match retour à domicile après avoir perdu à l'aller à l'extérieur. De plus, ils sortent de leur longue traditionnelle trêve hivernale et n'ont pas encore repris la compétition…
Sans être une formalité, la qualification semble très abordable pour les champions de France d'Aimé Jacquet qui a patiemment bâti une équipe solide autour d'Alain Giresse, avec Dominique Dropsy, Patrick Battiston, Thierry Tusseau, Gernot Rohr, Jean-Philippe Thouvenel, Léonard Specht, René Girard, Jean Tigana, Bernard Lacombe et l'Allemand Dieter Muller. Équipe renforcée cette saison par le fantasque Portugais Fernando Chalana.
Un match aller manqué…
C'est la première fois que le Dnipro participe à une coupe d'Europe, alors que Bordeaux s'y est forgé depuis trois ans une expérience avec la Coupe UEFA, ce qu'il met à profit cette année. Mais le match aller, à Bordeaux, ne se passe pas comme escompté, même si René Girard était absent sur blessure. Le 6 mars 1985, Bernard Lacombe ouvre le score dès la 10e minute (1-0). Dieter Muller manque ensuite un penalty et les Soviétiques égalisent juste avant la pause, par Lyuti (1-1, 43') et le score ne bouge plus. Simple déconvenue ou signe avant-coureur d'une possible élimination ? « Si nous avions marqué le penalty, nous aurions gagné 4-0 ou 5-0 tellement les Soviétiques étaient débordés », assure Jacquet. Peut-être, mais là, rien n'est joué.
C'est donc en Union soviétique que la qualification doit se faire. En URSS, mais pas à Dniepropetrovsk. En effet, la ville ukrainienne est classée par les autorités soviétiques « zone stratégique » en raison des usines de missiles qu'elle abrite et donc interdite aux visiteurs étrangers. C'est à 129 km au sud-ouest de là que le match est délocalisé, comme lors des tours précédents, à Krivoï-Rog.
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Un voyage en URSS et ses surprises…
Le match commence par un premier incident à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, l'avant-veille de la rencontre. Le volcanique président des Girondins, Claude Bez, refuse que son équipe fasse le déplacement à bord d'un appareil de l'Aeroflot, la compagnie de l'air soviétique, comme il est de coutume lors d'un déplacement d'une équipe étrangère en URSS. « Je suis Français, je ferai travailler Air France, une compagnie française, tonne Claude Bez. Pas question de payer les Russes ! »
C'est donc dans un Boeing d'Air France affrété par les Girondins que la délégation embarque la veille du match et se pose à Kiev, pour une escale à la douane avant de reprendre son chemin pour une heure de vol vers Krivoï-Rog. Mais c'est aussi une ville d'ordinaire fermée aux étrangers pour raisons « stratégiques », qui ne compte qu'un aéroport militaire sur lequel aucun avion occidental ne s'est encore jamais posé…
Les cartes des lieux devant rester absolument secrètes, un navigateur soviétique vient prendre place dans le cockpit aux côtés des pilotes d'Air-France… Mais peu avant le décollage vers Krivoï-Rog, les autorités de Kiev annoncent qu'un épais brouillard au-dessus de la ville force l'appareil à rester immobilisé jusqu'à nouvel ordre. Après deux heures d'attente, le brouillard étant toujours là selon la tour de contrôle de Krivoï-Rog, on propose aux Bordelais d'embarquer dans un train de nuit pour un périple de 600 km : départ 20 h, arrivée 7 h du matin, le jour du match, soit après onze heures de train…
Une véritable entreprise de déstab...