La vérité sur ce que veulent les supporters du SM Caen à propos du projet Mbappé
Aujourd'hui à 04:15 AM
Chronique tirée de WAM l’émission du 10 janvier 2025. A écouter ici.
Les actionnaires actuels du Stade Malherbe ont un projet, et ce projet, il est tout à fait possible de très sincèrement croire à son sérieux et à sa crédibilité. Pas seulement parce qu'ils ont mis un peu d'argent dans l'affaire car l'argent n'a jamais été preuve de crédibilité ou de valeur, à Malherbe, on le sait bien depuis au moins Yacine Bammou.
Mais ce projet il a aussi un côté paradoxal : à la fois il a l'air très pensé, très réfléchi mais en même temps on a aussi l'impression d'une forme d'impréparation générale. Et résultat : 15 points en 17 matchs.
Il y a manifestement défaut d'anticipation. Là, ça fait quand même quelques mois qu'ils sont là, avant, ça faisait quelques mois qu'ils discutaient, ça a fait quand même pas mal de temps pour commencer à se préparer et pourtant…
Alors on sait ce qu'ils pensent, on est des fans, on est des supporters, on n'a pas de recul, on sait pas comment ça fonctionne. Mais tout supporter qu'on est, on a beau nous dire qu'en coulisse, on construit des fondations solides, on a beau nous dire, comme le président qu'il n'y a aucun retard sur le projet mais… quand même, on doit vraiment pas avoir assez de recul, parce que de notre point de vue de supporters forcément un peu con con, on constate que avant qu'ils arrivent, on luttait pour la place de barragiste pour espérer quitter la L2 et là on on est à espérer rester en L2. Mais surtout on a eu un mercato qui a commencé après sa clôture, ce qui donne un effectif avec un milieu de terrain qui est l'exact inverse de la tête du président : on a tout au milieu et rien sur les côtés.
Mais même si ça se voit pas encore, je suis convaincu que le projet, en vrai, il avance. La seule question, c'est « vers où ? ». Et en fait on sait pas, on a des actionnaires muets. Alors je sais pas si c'est parce qu'ils pensent qu'on peut pas comprendre, mais à propos de pas comprendre, on a quand même l'impression que les dirigeants, les actionnaires il y a quand même deux trois trucs que eux n'ont pas compris.
Ce qui se passe actuellement, ce n'est pas lié à la personne de Nicolas Seube. Nous, on le connait, on l'apprécie aussi pour ses valeurs humaines même si j'admets sans problème que des valeurs qui ne sont pas financières, ça peut étonner certains profils.
Donc, ce qu'il se passe actuellement, ce n'est pas lié à la personne de Nicolas Seube, mais à ce qu'il représente. C'est un symbole et un symbole, ça a la double particularité d'être d'une certaine manière anecdotique – comme un salarié que tu vires comme un malpropre – mais aussi essentiel. Mais essentiel au sens premier du terme, essentiel, ça vient du du latin essentia qui fait référence à la nature d’une chose, en philosophie, c'est relatif à l’essence d’un être ou d’une chose, ce qui la constitue. Et ça, ça fait partie des choses à comprendre ici, même si on te l'apprend pas dans le Master « Finance Internationale et fraude fiscale ».
Les gars sont arrivés, avec une connaissance avérée du foot. Enfin après, on sait pas vraiment si quand on vient de BeIn on connait vraiment le foot. BeIn, leur métier, c'est pas du foot, c'est d'acheter des droits de diffusion de matchs et ensuite de trouver des pigeons des clients pour rentabiliser l'investissement. Si le foot a besoin de développer ses circuits de financements, les circuits de financement ça n'est pas tout le foot.
Alors certains se demandent si le supporter caennais il serait pas un peu ingrat. L'ingratitude, c'est quand quelqu'un fait quelque chose pour toi ; sauf que l'achat de ce club, c'est pas pour nous mais c'est pour eux qu'ils l'ont fait. Pour un objectif qu'on connait pas, qui se décline en intérêt d'image, de synergie, en intérêt fiscal peut-être, ou autre mais c'est pas « pour nous ». Les gars- et la dame – sont arrivés avec une certaine connaissance très claire du foot, une expertise du très haut niveau, tout ce que nous on a pas, c'est évident mais ils ne donnent pas l'impression d'avoir compris ce club et peut-être plus emmerdant, ils ne donnent pas l'impression de vouloir le comprendre.
Alors, on sait que le président est très fier de ne pas parler toutes les dix minutes, quand bien même il y aurait une légère nuance entre parler toutes les dix minutes et ce qu'on pourrait quand même assez facilement appeler « se cacher », mais il y a donc deux questions qu'on voudrait lui poser.
La première c'est « qu'est-ce que vous avez compris de ce club ? » et la deuxième c'est « pour quelles raisons d'après vous ces supporters viennent au stade ? »
Ce genre de projet, c'est aussi un projet de territoire, parce que ce club c'est un territoire, même si le choix a été fait de trouver un président qui ne peut pas y vivre et qui a donc du mal à comprendre ce territoire. Ce club, c'est aussi une histoire, c'est une âme, c'est un point commun entre des gens qui souvent n'en auraient pas. On va pas vous faire le coup du « Malherbe, c'est unique » parce que c'est pas vrai, c'est pas unique, des clubs y'en a plein d'autre, avec leurs valeurs, leurs histoires, leurs ambitions. Mais ces clubs, ils sont chacun leur singularité, ce qui fait que pour nous c'est celui-là et pas un autre. C'est comme les gamins : on sait que les autres parents ont les leurs, mais pour nous, ce sont les nôtres qui comptent, ceux qui sont là, Louise, Romy, Anaïs, Luc et Adrien, Colombe et tous les autres, ceux qui vont arriver, bises à Adrien et Pauline et donc en foot, c'est Malherbe.
La question, c'est qu'est-ce qui fait qu'à Caen, on a des mecs, on a des meufs qui vont aller se déplacer jusqu'au stade. On dit Caen, mais ça concerne tout le Calvados, mais aussi les copains copines de l'Orne, de la Manche et tout ceux qui sont plus loin encore : Elise à Rouen, Dimitri, Marie, Jonathan, Christophe, Vincent et tous les autres à Paris qu'on peut pas tous citer, Emilie et Mathieu à Niort, Pascal en Ardèche, Guillaume, Benjamin à Nantes, les toulousains, Julie et Gabriel, Laurent, Idriss, Molkoduforum et encore, je ne parle pas de ceux qui sont encore plus loin comme Guillaume à Toronto et ceux dans d'autres pays.
Alors, cher Ziad Hammoud, chère Fayza Lamari, au delà du fait que vous ne répondrez probablement pas, qu'est-ce qui fait d'après vous que ces gens, au moins une fois dans leur semaine, « pensent Malherbe » ?
On pose la question parce que depuis quelques mois, on nous promet des lendemains qui chantent, on a même entendu parler de Coupe d'Europe. Mais une chose : la coupe d'Europe ici, en 111 années d'existence, c'est 180 minutes. La question c'est « est-ce que vous croyez réellement que c'est l'attente d'une participation à une coupe d'Europe qui nous fait courir ? ». Est-ce que vous êtes réellement persuadés que c'est ça qui nous motive ? Courir après une qualification Européenne quand tu es Malherbe, c'est comme s'appeler François Bayrou et attendre un poste de premier ministre.
Ça ne peut arriver qu'en cas d'accident, quand personne d'autre n'est disponible, que t'as déjà 80 ans et que tu sais dès le départ que ça va pas durer bien longtemps.
Donc, chers dirigeants, posez-vous la question : pourquoi ces gens viennent au stade ?
On pourrait proposer un premier élément de réponse. Dans la vie d'une entreprise normale, la communication doit offrir un point de fuite, parler d'un futur désirable. Mais dans le foot, le nôtre, pas celui du PSG ou du Real qui ne relèvent pas du foot mais de l'industrie du spectacle, c'est pas ça ; ça sert à rien d'annoncer des trucs de fou, y compris que si on monte, on redescendra pas. Premièrement parce que dans le foot, il y a une énorme différence entre se donner les moyens de – et aucun doute sur le fait qu'on se donne les moyens de, Gérard Prêcheur il a(vait) juste le meilleur CV jamais vu à Malherbe – mais il y a une énorme différence entre faire tout ce qu'il faut pour arriver et arriver effectivement. Sinon, s'il suffisait de se donner les moyens, Killian, il aurait déjà 2 coupes du Monde, 3 ligues des Champions et 3 ballons d'or.
Donc, à part prendre le risque que ça te revienne en boomerang, ça ne sert à rien – en tout cas ici – d'annoncer des trucs de fou. Non, si tu veux parler aux supporters – enfin si tu en as l'envie – tu dois leur parler, non pas d'avenir, mais du passé, de l'histoire de leur club.
Kilian Mbappé sera et est déjà une légende du foot français. Mais ici, ça pèse pas grand chose en vrai parce que si on vit bien sur la même planète, on n'est pas du même monde. Nicolas Seube, il a jamais eu le ballon d'or, il a jamais gagné la Ligue des champions mais Nicolas il a eu un trophée que Kilian Mbappé n'aura lui non plus jamais : le ballon d'eau fraiche, trophée absolument pas officiel et qui récompense, non pas la valeur d'un joueur, mais ses valeurs.
Nico, C'est un symbole parce qu'il ressemble à ce club ; ici, on se tamponne bien de qui peut gagner la Ligue des Champions, parce que nous, ce qui nous demande, c'est un club qui nous ressemble.
Ce qui se passe actuellement, c'est pas lié à la personne de Nicolas Seube, c'est lié à ce qu'il symbolise : l'âme de ce club et c'est cette âme qui fait qu'on vient, ou plutôt qu'on vient encore.
Ce à quoi les dirigeants et actionnaires devraient peut-être réfléchir, c'est à ça : c'est l'âme qui nous relie à ce club, pas son potentiel, pas son développement à venir. Un club, certes, on peut l'acheter. Le prendre, c'est bien, le comprendre, c'est mieux.